Amour et jugement - Homélie

Publié le par Gens d'Outremeuse


Ex 34, 4b-6.8-9   ~   Psaume Dn 3, 52-56   ~   2 Co 13, 11-13    ~    Jn 3, 16-18


Frères et soeurs,

En cette fête de la Sainte Trinité, la liturgie fait un fameux pied de nez à tous ceux qui pensent à tort que le Dieu de l'Ancien Testament est un Dieu qui punit, qui juge, qui condamne, qui se fâche, qui se met en colère et que le Dieu de l'Évangile est par contre un Dieu bon, tout amour. Regardez la première lecture et l'Évangile, c'est tout le contraire. Dans l'Évangile, Jésus parle d'amour et de jugement. Et c'est dans la première lecture, dans le livre de l'Exode, qu'il est question d'un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vie.

Qu'est-ce que la liturgie de ce jour veut essayer de nous faire comprendre ? Je reviens d'abord sur le texte de l'Évangile, parce qu'il y a d'abord une question de vocabulaire. En français, le verbe juger a deux sens. Il y a d'abord émettre un jugement. Quand je juge quelqu'un apte à un travail, j'émets un jugement : c'est bien ou c'est mauvais. Mais le verbe juger à un deuxième sens : juger quelqu'un dans le sens de condamner. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre Jésus, même si c'est très dur à entendre... car Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour condamner mais pour que par lui, le monde soit sauver : celui qui croit en Jésus échappe à la condamnation, celui qui ne veut pas croire est déjà condamné parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. J
ésus parle de condamnation.  

Comment expliquer ces différents textes ? De temps en temps on parle du Dieu Amour. D'autres fois, on parle du jugement. Je crois, frères et soeurs, que derrière ces textes qui semblent très différents, il y a une même démarche d'amour. Cela va peut-être vous étonner. Il y a plusieurs parents parmi vous. Vous, les parents qui aimez vos enfants, vous savez que parfois ils ne prennent pas le chemin que vous voudriez qu'ils prennent. Alors vous essayez différentes façons de leur faire entendre raison. La première façon, c'est comme Jésus dans l'Évangile : c'est essayer de leur faire comprendre ce qui est enjeu dans leur comportement. Est-ce que tu te rends compte, mon fils ou ma fille, que en te comportant ainsi, tu t'exclus toi-même de la communion de la famille ?

Je prends un exemple. Imaginons que vous fêtiez vos noces d'or ou d'argent. Vous invitez vos enfants. Malheureusement, deux de vos enfants ne s'entendent plus et ne veulent plus se parler. Si l'un des deux dit : "Papa, maman, si tu invites mon frères ou ma soeur avec qui je me suis disputé, je ne viens pas." Qu'est-ce que vous allez pouvoir bien faire ? C'est votre enfant qui se juge et se condamne lui-même, qui s'exclut lui-même de la communion de la famille. Il est normal que quand on parle d'amour, on parle aussi de jugement et de condamnation, puisque le comportement d'un enfant doit être normalement une réponse d'amour à ses parents, comme Dieu nous appelle à aimer et nous demande une réponse... libre, bien sûr. Il nous demande d'être responsable. Dans le mot responsable, vous avez précisément le mot réponse. C'est la même chose : quelqu'un de responsable est quelqu'un qui sait répondre. Il dit : "oui, je me suis trompé, je suis responsable de mes actes."

Vous voyez, frères et soeurs, Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique. Jésus nous dit : est-ce que vous vous rendez compte du cadeau que mon Père vous a fait. Et l'amour, c'est sérieux. On ne peut pas dire à l'autre : je refuse ton amour, mais de toute façon, tu continueras toujours à m'aimer. C'est trop facile. Dieu veut des hommes libres et responsables. Il ne veut pas nous obliger à aimer, mais Il nous dit : "mes petits amis, soyez quand même sérieux : si jusqu'au bout de votre vie et même dans l'au-delà, vous refusez mon amour, moi Dieu Tout-puissant, je ne saurai strictement rien faire, comme des parents qui sont impuissants devant leur enfant."

Je crois, frères et soeurs, que c'est important, sinon quoi que nous fassions, Dieu nous pardonnera toujours, même si nous n'avons pas le moindre remord. Là, ce serait mépriser et rigoler de l'amour qui nous est offert. Alors, c'est vrai que nous avons un Dieu extrêmement patient et qui, s'Il est déçu 1000 fois par l'homme, Il va lui pardonner 1000 fois. Cela, c'est vrai aussi. Ca, c'est le deuxième mode que Dieu utilise pour que nous prenions son amour au sérieux. "C'est plus fort que moi, même si tu me déçois, je continue et je continuerai à t'aimer." C'est finalement la dernière parole de Jésus sur la croix. Il pardonne au bon larron, ce criminel, qui se tourne vers lui et il dit à son Père : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. C'est une des dernières paroles de Jésus en croix.

D'un côté, Dieu ne peut pas s'arrêter d'aimer. Mais d'un autre côté, Il nous dit : même si je vous ai pardonné 1000 fois, si au bout du compte vous refusez mon amour, comme cet enfant qui ne veut pas aller aux noces d'or ou d'argent de ses parents, c'est vous qui vous excluez. Jésus, en parlant durement, veut nous mettre devant nos responsabilités parce qu'il croit en la grandeur de l'homme qui est capable de décider lui-même ce qui est bon. Alors, frères et soeurs, nous les chrétiens qui sommes des êtres un peu conscients de ce choix dans lequel se joue toute notre vie, mais aussi la vie de notre pays et la vie du monde, nous devrions sans aucune hésitation être comme ce Dieu de communion, ce Dieu trinitaire qui ne veut rien d'autre que nous devenions Dieu à notre tour. C'est ce qu'exprime magnifiquement la fameuse icône de la Trinité de Roublev Ce grand peintre d'icône russe a dessiné la Trinité autour d'une table... avec un bord de table vide : c'est pour vous accueillir à cette table.


Jean Pierre Pire
Église Saint-Nicolas
19 juin, 18h30


Retranscription : Elisa

                

 

 

Publié dans Homélies

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