Comment Jésus a-t-il fait ? - Homélie

Publié le par Gens d'Outremeuse


Prier,
c'est passer de la troisième personne à la deuxième personne
André Neher, philosophe juif du 20e siècle
 

2 R 4, 42-44    ~    Ps 144   ~     Ep 4, 1-6    ~    Jn 6, 1-15
              
 

Frères et soeurs,

Devant les récits de miracle des quatre Évangiles, nous, Occidentaux du 20e siècle, nous nous posons souvent la question : comment est-ce possible ? Comment Jésus a-t-il fait ? Dans la plupart des récits de miracle, on ne répond jamais à la question du comment. On voit que Jésus guérit : il impose les mains, il touche les personnes, il dit une parole... et ils sont guéris... 

Le miracle d'aujourd'hui est un peu différent puisqu'il s'agit d'une multiplication des pains... mais la même question se repose : comment donc Jésus a-t-il fait ? Je pense que dans les lignes que nous venons de lire, il y a exceptionnellement une réponse à cette question et que la question et sa réponse tournent autour d'une question de pronoms... Je ne sais pas si vous avez aimé les cours de grammaire française à l'école. Peut-être étiez-vous plus matheux ou scientifiques... Pour ceux qui n'aimaient pas, je rappelle que dans notre langue française, nous avons trois types de pronoms qui parlent de différentes personnes : la première personne (je et nous), la deuxième personne (tu et vous) et la troisième personne (il/elle ou ils/elles).

Regardez le pronom utilisé par Jésus dans sa question à Philippe : "Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ?" Nous signifie vous, les apôtres, et moi (première personne), nous tous ensemble. Que répond Philippe ? "Le salaire de 200 journées ne suffiraient pas pour que chacun ait un petit morceau de pain". Il répond par une phrase à la troisième personne. Jésus lui a demande : "Qu'est-ce que nous pouvons faire, toi et moi ?" Et Philippe répond par une phrase à la troisième personne, tout à fait neutre : il faudrait beaucoup d'argent. Et André ne fait pas mieux que Philippe. Lui aussi constate à la troisième personne : "il y a là un jeune homme qui a cinq pains d'orge et deux poissons. Qu'est-ce que cela pour tant de monde ?" 

La réponse à la question "comment Jésus a-t-il fait ?" est là, frères et soeurs. Quand on est devant un problème énorme, souvent nous répondons à la troisième personne : il n'y a qu'à faire ceci, il n'y a qu'à ne pas faire cela, il faudrait... ou alors le gouvernement, les politiques, Monsieur le Curé, les paroissiens, les ouvriers, les syndicats devraient faire ceci ... il faudrait que..." 

Comme cela, on se met hors du coup... On ne répond jamais en je. Jésus justement nous dit : "Où pourrions-nous, vous et moi, acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? Impliquez-vous avec moi et vous verrez qu'il y aura un miracle. Ne répondez pas par "il faudrait", mais répondez à la question "qu'est-ce que toi, tu peux faire". Commence même petitement, même avec un seul pain ou poisson, et tu vas voir puisque je suis avec toi -aie la foi- tu auras des miracles."

Frères et soeurs, toute la foi chrétienne tourne autour de ces deux pronoms : je et tu. On serait bien mal inspiré si on continuait à parler à la troisième personne (il faudrait, il n'y a qu'à), en se mettant prudemment en dehors de tout engagement. 

André Neher, un philosophe juif du 20e siècle, disait  : prier (on pourrait aussi dire : aimer), c'est passer de la troisième à la deuxième personne. Tant qu'on fait une description à la troisième personne (comme dire : untel est une personne bien), je suis toujours en dehors de la relation. Il faut que je m'adresse avec un tu à cette personne pour que j'entre en relation avec elle. 

André Neher dit : il ne faut pas parler de Dieu à la troisième personne, du style Dieu a fait ceci ou Jésus a fait cela. Mais dire plutôt toi, comment te situes-tu par rapport à Jésus ? Toi, comment te situes-tu par rapport aux autres ? Rappelez-vous, frères et soeurs, la parabole du jugement dernier : "j'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'avais soif et vous m'avez donné à boire, j'étais nu et vous m'avez habillé, j'étais malade et en prison et vous êtes venu jusqu'à moi". De nouveau, ce sont des pronoms je, première personne, et vous, deuxième personne. Même si vous n'êtes allé voir qu'une seule personne et que ça n'a pas changé la face du monde... 

Dieu nous dit, à nous les chrétiens d'Occident qui sommes minoritaires maintenant, "commencez par faire qqch, quoi que ce soit... Même si vous ne parlez de Jésus qu'à un seul enfant et qu'il y a des milliers d'enfants qui n'entendront jamais parler de Jésus, commencez... Faites qqch. Ne dites pas qu'il est dommage de ne plus avoir de mamans catéchistes aujourd'hui ou qu'on manque de prêtres. Laissez toutes ces phrases de côté et commençons petitement à faire qqch. C'est cela la foi que Jésus nous demande d'avoir aujourd'hui. Alors n'ayons pas peur de répondre à cette question de Jésus : "Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? Où pourrions-nous, Jésus et nous, donner la vie aux autres ?"                      



Jean Pierre Pire
Église Notre-Dame du Rosaire
29 juillet, 10h

Retranscription : Elisa

 

 

Publié dans Homélies

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