La place du serviteur : à genoux - Homélie du Jeudi saint

Publié le par Gens d'Outremeuse



Première lecture : Ex 12, 1-8.11-14
Psaume 115

Deuxième lecture: 1 Co 11, 23-26
Évangile : Jn 13, 1-15


Frères et soeurs,


Vous le savez, chaque année lors du jeudi saint, l'Église nous donne à méditer cet Évangile du lavement des pieds. Jean ne raconte pas le dernier repas de Jésus, contrairement aux trois autres évangélistes. Mais en racontant ce geste saisissant de Jésus, en racontant comment Jésus a exécuté ce travail d'esclave, il voulait nous remettre devant les yeux qui était vraiment Jésus, qui est Dieu et quel est l'exemple que nous devons suivre.

Aujourd'hui, l'Église nous invite à revivre ce même geste du lavement des pieds. Je vous le dis tout de suite : nous n'allons pas le vivre tel quel. Pour la mise en pratique liturgique de ce "lavement des pieds", vous allez le voir, cela dépendra de l'état de vos articulations, de vos rotules... Voilà notre corps a ses limites : on a beau vouloir servir, on n'y arrive pas toujours.

Mais avant d'en arriver à cette mise en pratique, je voudrais quand même rappeler l'essentiel, ce que Jésus et Jean après lui veulent nous dire encore aujourd'hui à partir de ce lavement des pieds. Cela concerne à la fois les hommes et Dieu. On va commencer par Dieu, bien entendu. Si Jean dit que Jésus s'est mis à genoux devant ses apôtres, alors qu'il se reconnaît lui-même le maître et le seigneur, cela veut dire ce que nous disons dans la liturgie en appelant le Seigneur le Très-haut n'est pas juste. Nous n'adorons pas le Très-haut : nous adorons le Très-bas. Vous allez voir tout à l'heure dans le Sanctus, nous n'avons pas fait une faute : exceptionnellement, nous avons mis "le Très-bas". Je vous inviterai à ne pas vous tromper. Parce que nous, les hommes qui rêvons souvent Dieu dans les Cieux au-dessus de nous, nous nous trompons : la place du Dieu de Jésus Christ est à nos pieds. La place de Dieu est de se mettre à genoux devant nous, c'est de renverser tout ce que les religions avaient prétendu auparavant.

On comprend la réaction de Simon-Pierre qui dit: "Non, cela, Seigneur, je n'accepterai jamais que tu me laves les pieds : tu es le Seigneur !" Je pense qu'à la place de Pierre, nous aurions tous été honteux et choqués de voir Jésus à nos pieds... Pourtant, comme le dira Charles de Foucauld, Jésus a tellement bien pris la dernière place que personne n'a pu la lui ravir. Trente ans de vie cachée et trois ans de vie de service pour terminer par une mort infâme sur une croix. La place de Jésus lors de tout son séjour terrestre a été celle de serviteur.

Mais si Jésus, comme Dieu son Père avec l'Esprit, occupe cette place, c'est pour nous faire descendre, nous les hommes, de notre piédestal d'où nous regardons les autres et Dieu de toute notre petite hauteur. C'est pour nous apprendre à nous aussi à nous mettre à genoux. C'est pour nous apprendre à regarder les autres. Aujourd'hui, on dirait qu'il faut regarder les autres d'égal à égal... C'est faux ! Il faut regarder les autres, quelle que soit leur place dans la société, de bas en haut. Certainement pas de haut en bas, bien sûr. Mais même pas d'égal à égal. Il faut toujours considérer que l'autre est supérieur à moi... supérieur entre guillemets bien sûr : chacun a sa valeur. Quand on regarde l'autre, on doit le regarder avec un émerveillement, comme on regarde un petit enfant qui a quelques mois ou quelques années.

Mise en pratique...


Frères et soeurs,

Dans ce geste saisissant, Jésus veut nous rappeler quelle est la place de Dieu et quelle est la place de l'homme : en bas, à genoux, la place du serviteur. Aujourd'hui, exceptionnellement, nous voudrions signifier dans deux gestes (celui du prêtre d'abord, le vôtre ensuite). Nous allons après cette homélie nous rendre dans le fond de l'église. Là où nous nous sommes retrouvés pour vivre l'entrée en gloire de Jésus à Jérusalem. Je vous inviterai à laisser d'abord passer les prêtres qui iront tout au fond. Vous resterez debout dans le fond. Si votre santé vous en empêche, vous restez évidemment assis à votre place. Je ne voudrais pas que demain, il y ait un envahissement des cabinets médicaux. Je me sentirais quand même un peu coupable.

Les prêtres vont se mettre à genoux devant vous et ensemble nous lirons une prière. Puis, nous vous inviterons à vous mettre deux par deux, un à genoux et l'autre debout, et nous chanterons pendant ce temps-là "Ubi caritas et amor, deus ibi est", ce qui signifie 'là où charité et amour sont présents, Dieu est là'. Puis, celui qui est debout donnera la paix du Christ et l'aidera à se relever. Ensuite, on fera l'inverse : celui qui est debout se mettra à genoux et celui qui est à genoux se mettra debout. On rechantera "Ubi caritas et amor" et à nouveau, celui qui est debout donnera le baiser de paix à celui qui est à genoux.

C'est maintenant qu'on va se donner la paix du Christ, avant l'offertoire, comme on le fait dans certaines églises : on se souvient que Jésus a dit: "quand tu vas présenter ton offrande au temple, si tu te souviens que tu as quelque chose contre ton frère, laisse là ton offrande, ne va pas à la messe. Va d'abord te réconcilier avec ton frère et après tu viendras présenter ton offrande." Quand nous aurons terminé cet agenouillement mutuel, nous monterons tous du fond de l'église en procession avec les offrandes pour l'Eucharistie de Jésus serviteur.


Jean Pierre Pire

Église Saint-Nicolas
1e avril 2010, 20h


Retranscription : Elisa

Publié dans Homélies

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article