Fête du Saint-Sacrement - Homélie

Publié le par Gens d'Outremeuse




Gn 14, 18-20  ~  Psaume 109  ~  1 Co 11, 23-26  ~  Lc 9, 11b-17


Frères et soeurs,

Je voudrais commencer cette homélie non pas en faisant référence à une parole de Jésus mais çà une parole de Dalaï Lama qui nous a dit : le vrai bonheur ne dépend qu'aucun être, d'aucun objet extérieur. Il ne dépend que de nous. Je suis d'accord avec le Dalaï Lama... si quand on parle d'être ou d'objet extérieur à nous, on parle d'un objet ou d'une personne qui pourrait résoudre magiquement tous nos problèmes. Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec le Dalaï Lama. C'est d'ailleurs ce que nous dit la Bible : il faut se prendre en charge soi-même.

Là où je ne suis pas d'accord avec le Dalaï Lama et qui va à l'encontre de la fête d'aujourd'hui et de tous les sacrements en général, c'est si l'on prend la phrase en disant que l'autre ne m'apporte rien. Mon bonheur ne dépend d'aucun être et donc même pas de Dieu. C'est vrai que Bouddha a mis tous les dieux de côté. Je pense justement que le propre de notre religion est de dire c'est en faisant attention à l'autre, en laissant vraiment l'autre entrer en moi que je vais devenir moi-même. C'est ce paradoxe : en laissant plus de place à l'autre, je deviendrai plus moi-même. C'est pourquoi l'Église a fait du mariage un sacrement : c'est en laissant entrer ma femme dans ma vie que je deviens moi plus homme et moi, femme, je deviens plus femme en laissant entrer dans ma vie mon mari. Donc en ce sens, le bonheur ne dépend pas seulement de moi : il dépend aussi de la présence d'un autre. 

Aujourd'hui, comme c'est la fête du Corps et du Sang du Christ, je voudrais évidemment et essentiellement parler de la présence de cet Autre qu'est Dieu, qu'est Jésus. Je voudrais vous montrer que Jésus a voulu se faire le plus intérieur possible à nous-mêmes.  Dans l'Eucharistie, comme vous le savez, il y a deux parties. La première est la partie de la Parole de Dieu qu'on terminera avec la prière universelle. On pourrait se dire dans un premier temps : est-ce que cela ne suffit pas ? Nous avons le message de Dieu dans la Bible, dans les différentes lectures que nous venons d'entendre. N'est-ce pas suffisant ?

Si notre foi dépendait uniquement d'un message et non pas seulement du porteur du message, alors on pourrait arrêter la messe maintenant ou après mon homélie.
Un message peut toucher, remuer, mais ça reste qqch d'extérieur. Mais quand je suis touché non seulement par le message d'une personne, mais par la personne elle-même, ça me remue tout mon être intérieur. Je reprends l'exemple du mariage. Vous ne vous êtes marié parce que vous avez été séduit par le message d'un homme ou une femme. Vous avez été séduit par cet homme ou cette femme, par sa manière d'être.

Avec Jésus, c'est la même chose. On n'est pas seulement séduit par son message : on est séduit par Jésus lui-même. Quand on amoureux de quelqu'un, on ne veut qu'une chose : pas seulement que son message entre dans  nos oreilles, dans notre cerveau, dans notre coeur, mais que tout entre dans toute notre vie. C'est pour cela que Jésus n'a pas dit seulement à ses apôtres : vous répéterez mon message. Il leur a dit : vous prendrez du pain, vous prendrez du vin et vous ferez cela  en mémoire de moi jusqu'à ce que je revienne. Parce que ce pain et ce vin sont désormais chargés de la présence de Jésus.

Et, me direz-vous, comment un objet comme le pain peut-être chargé de la présence de quelqu'un ? C'est une question que nous les Occidentaux, nous nous posons souvent : comment un morceau de pain peut être la présence même de Jésus ? Je vous répondrai qu'avec l'amour, on peut tout transformer, même un objet. C'est cet amour qui parcourt l'univers qui peut tout transformer. En goûtant ce morceau de pain, nous ne goûtons pas seulement le pain en tant que tel : nous savourons la présence de l'autre.

Je vais me permettre une comparaison un peu dangereuse. Quand quelqu'un qu'on aime est là, on savoure sa présence comme on savoure un bon plat qu'on nous présente. Ma comparaison est un peu dangereuse et à la fois très juste. Parce que le bon plat que nous pouvons manger va passer dans notre sang et devenir une partie intégrante de nous-mêmes. C'est bien le tour de force que Jésus réalise en chargeant le pain de sa présence : il entre dans mon sang pour dire : je veux modifier tout ton être et surtout ton incapacité à aimer. Je veux te transformer radicalement, de fond en comble...

C'est là, frères et soeurs, que nous pourrions mieux comprendre la phrase du centurion : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et ton serviteur sera guéri. C'est vrai qu'en rigueur de terme, nous qui sommes appelés à nous laisser transformer par l'amour de Dieu qui transforme tout, nous qui sommes appelés en accueillant ce pain à vivre le sermon sur la montagne, à aimer nos ennemis, à pardonner les offenses, à rester fidèles à l'autre quoi qu'il nous en coûte, c'est vrai que la seule phrase que nous sommes capables de dire est celle du centurion que nous dirons tout à l'heure avant d'accueillir le pain. Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéri. Oui, frères et soeurs, en vivant ce sacrement du Corps et du Sang du Christ, nous acceptons de nous laisser transformer par quelqu'un qui est tout à fait extérieur à nous, qui ne va pas résoudre magiquement nos problèmes...

Elena et la petite Victoria vont se faire baptiser tout à l'heure... Ce n'est pas parce que je vais les baptiser que magiquement elles et leurs parents, parrains et marraines n'auront plus de problèmes... sinon le monde entier se ferait baptiser sans se poser de questions. Mais non, ce qu'Elena et la petite Victoria avec ses parents, leurs parrains et marraines sont invités à faire dès maintenant, c'est de leur dire : Victoria, accueille ce Jésus, ce Père et cet Esprit dans lesquels tu as été baptisé, laisse entrer leur puissance d'amour dans ta vie pour qu'elle te transforme. Et un jour, tu feras comme nous, ta première communion : tu communieras à cette puissance d'amour qui ne résout pas tous les problèmes, mais qui permet de les vivre autrement, cette puissance d'amour qui transforme toute la vie, comme Jésus a été capable de changer une eau incolore, indolore et insipide en un vin d'une excellente qualité.  

  


Jean Pierre Pire

Église Saints-Pierre-et-Paul
6 juin 2010, 11h30


Retranscription : Elisa


N'hésitez pas aussi à lire l'homélie de notre évêque lors de la Fête-Dieu en la basilique Saint-Martin le 3 juin dernier. Son thème :
les prêtres et l'Eucharistie.

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