Le lait de Dieu - Homélie

Publié le par Gens d'Outremeuse


Première lecture : Nb 11;25-29
Psaume : 18
Deuxième lecture: Jc 5, 1-6
Évangile : Mc 9, 38-48



Frères et soeurs,

C’est assez frustrant aujourd’hui de commenter la parole de Dieu car il y a plein de choses à dire sur plusieurs passages. Je n'en ai choisi qu’un dans l’Évangile, celui où Jésus dit : « Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu'on jette à la mer ».

Si Jésus a cette parole terrible, voire même meurtrière, c’est parce qu’il ne supporte pas qu'avec de belles considérations théologiques, on éloigne des personnes simples de lui, de sa personne, de son amour. Alors pour mieux entrer dans cette pensée de Jésus, rien ne remplace une histoire. Une histoire que je voudrais vous raconter... et je ne ferai rien d’autre que de vous la raconter car elle parle d’elle-même : vous n’aurez pas besoin d’un commentaire supplémentaire. Une histoire dont on ne sait pas bien d’où elle vient, comme la plupart des histoires, dont on ne sait pas qui l’a écrit, et qui a pour titre le lait de Dieu.

C’était il y a longtemps. Moïse parcourait le désert d’Égypte. Il était déjà grand devant Dieu et devant les hommes. Un jour, il demande l’hospitalité à un berger qui l’accueille avec joie et, tout naturellement, parce que Moïse est une personne très humble (ce n’est pas moi qui le dit, c’est la Bible qui dit que Moïse est l’homme le plus humble que la terre ait porté), il participe aux travaux de la bergerie : il soigne les brebis, il s’occupe des agneaux, etc. Très vite, Moïse remarque une chose qui l’intrigue. Chaque soir, le berger, quand il a trait une brebis bien particulière, met un peu de son lait dans une écuelle. Il se recueille. Il va déposer l’écuelle sur une pierre plate, à 50m de son campement et revient très concentré, comme s’il était allé faire une offrande, comme s’il était allé prier. Le matin, chaque matin, il va rechercher l’écuelle. Il constate qu’elle est vide et revient avec un air radieux, comme s’il avait retrouvé son meilleur ami. Moïse lui demande :
- Qu’est-ce que tu fais chaque soir et chaque matin avec cette écuelle ?
- Ca, dit-il, c’est le lait de Dieu.
- Le lait de Dieu ? ! ?
- Mais oui, c’est le lait de Dieu.
- Explique-moi donc.
- C’est très simple : chaque soir, je prends un peu du meilleur lait de ma meilleure brebis. Je le verse dans une écuelle et je dépose celle-ci sur une pierre. La nuit, Dieu vient boire le lait.
- Dieu vient boire le lait ? ! ?
- Oui, Dieu vient boire e lait que je lui donne.
- Mais Dieu n’a pas de bouche : il ne peut donc boire le lait que tu lui donnes ;
- Je sais que Dieu n’a pas de bouche, mais je sais aussi que c’est Dieu qui vient boire le lait.
- Écoute, berger. Souhaites-tu progresser dans la connaissance de Dieu ?
- Oh, oui, prophète, grand devant dieu et devant les hommes.
- Alors, je dois te dire que Dieu ne peut venir boire ton lait puisqu’il n’a pas de corps, qu’il est un pur esprit et donc qui n’a pas de bouche.
- Ô prophète, tout cela est possible, mais moi, je sais que c’est Dieu qui vient boire le lait et qu’il l’apprécie puisqu’il revient chaque nuit.
- Écoute, berger, le mieux est peut-être que tu vérifies toi-même : reste donc ici et veille toute la nuit, comme cela tu verras qui boit le lait que tu offres.
- C’est une bonne idée, répond le berger, et peut-être qu’ainsi, je verrai Dieu.

Moïse va dormir. Le berger dépose à l’endroit habituel. Il s’assied à l’entrée de sa tente, se calfeutre dans son manteau. Tout s’endort. Les sons d’abord. Puis les couleurs. Enfin, les parfums eux-mêmes. Il y a juste un petit vent qui vient du désert et qui traverse doucement le visage du berger. Jusqu’à minuit, il ne se passe rien. Tout à coup, le berger aperçoit une petite ombre souple qui s’approche avec prudence : un petit renard... un renard du désert. Un fennec. Il s’arrête. Oreilles pointées. Nez frémissant. Et ne sentant pas la présence du berger, il se précipite sur l’écuelle et boit le lait goulûment, puis il repart comme il est venu.

Le lendemain, Moïse trouve le berger la tête basse.
- Tu avais raison, prophète grand devant Dieu et devant les hommes, ce n’est pas Dieu qui vient boire le lait, c’est un petit renard.

Il y avait tant de douleur dans la voix du berger que Moïse s’est aussitôt retiré dans la montagne et est allé prier. Dans sa prière, Dieu lui a dit :
- Qu’as-tu ait au berger ?
- Seigneur, j’ai essayé de le faire progresser dans la connaissance de Dieu.
- Non, tu lui as enlevé la seule façon qu’il avait de me dire son amour. Ce que tu as fait est très grave. C’est vrai que je n’ai pas de corps et donc pas de bouche. Mais j’apprécie très fort ce lait qu’il me donnait parce que ce don venait du coeur et je collaborais avec le petit renard auquel je cédais volontiers ma part. Retourne chez le berger et dis-lui que j’aime son offrande. Et tu lui diras aussi ceci. Tu lui diras que la première fois que je me rendrai visible aux hommes, en chair et en os, c’est à des bergers comme lui que je me montrerai. Va !




Jean Pierre Pire


Église Saint-Nicolas
27/09/09, 11h30


Retranscription : Elisa

Publié dans Homélies

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