Défis pour l'Église au 21e siècle

Publié le par Gens d'Outremeuse


Le 15 janvier, le palais des Congrès accueillait le Cardinal Danneels pour une «Grande Conférence Liégeoise» sur le thème des défis lancés à l’Église par le 21e siècle. Avant d'énumérer tous ces défis, le Cardinal s’est empressé de rappeler que si l’Église est en crise aujourd’hui, il ne faut pas oublier qu'elle l’a toujours été: elle a commencé sur la croix! Il convient aussi prendre conscience des touffes d’herbe fraîches qui poussent sur la pelouse jaunie de l’Église, même si les médias en parlent peu: renouveau biblique et liturgique, engagement paroissial et caritatif des laïcs, émergence de nombreux groupes de réflexion et de prières, désir de prière et d’intériorité, recommençants et catéchumènes, etc.

Selon le Cardinal Danneels, le plus grand défi pour l'Église aujourd'hui se trouve dans l’incapacité croissante de l’homme contemporain à percevoir le monde invisible : la naissance d’une culture obnubilée par l’efficacité, la rentabilité et la rationalité a fait du quantitatif la mesure de tout, occultant le plan de la réalité qui est au-delà.

Les autres religions et mouvements spirituels posent également des défis importants à l’Église. Mais tout n’est pas négatif... L’islam, lorsqu’il n’est pas fondamentaliste, peut nous enseigner sur Dieu : pratique régulière de la prière et du jeûne, souci d’être cohérent dans sa foi jusque dans la vie publique, etc. « Mon rêve est de voir naître un islam européen, confie le Cardinal, un islam qui aurait fait sa révolution française, comme le christianisme.» De même, le succès effrayant des sectes est source d’enseignement : n’est-il pas « une facture non payée des grandes Églises»? En proposant la chaleur et la joie d’une communauté, « les sectes tendent aux grandes Églises un miroir qui leur montre leurs rides. »

Les grandes religions orientales se développent à très grande vitesse chez nous, jusqu’à faire du bouddhisme la troisième grande religion de notre pays. Pensons aussi  au succès d’une certaine forme de religiosité sauvage où l’on se construit son petit dieu à notre service, en faisant l’impasse sur la nécessaire conversion qui conduit au décentrement de soi et à la décision de se mettre au service de Dieu. Pour beaucoup de contemporains, c’est devenu une évidence que toutes les religions mènent en fin de compte au même Dieu. L’unicité du Christ Sauveur est alors difficilement acceptable et souvent qualifiée d’intolérance.

Le défi de l’inculturation est aussi de taille, même s’il concerne davantage l’Asie que l’Afrique. « Les cultures africaines, parce qu’elles sont jeunes, sont de la lave encore liquide qui se mélange assez facilement à ce qu’on y ajoute. Par contre, les cultures asiatiques, qui ont presque 5000 ans d’existence et qui se sont constituées hors du contexte chrétien, sont de la lave solidifiée plus hermétique à la foi chrétienne.» Mais il n’y a pas à désespérer : il y a des antécédents... Le christianisme, né dans une culture judaïque, a déjà rencontré, la culture grecque, la culture romaine juridique, la culture barbare, la culture slave...

Le Cardinal Danneels évoque ensuite positivement les défis lancés par le rapport foi et raison: « Que fait la science sur la foi? La même chose qu’un sculpteur devant un bloc de marbre: il le décape de tout ce qui n’appartient pas à cette statue. L’Église est reconnaissante aux sciences pour ce décapage, même s’il est douloureux.» D’autre part, l’Église a le droit et le devoir de rappeler aux sciences positives que les chiffres n’expliquent pas toute la réalité.

La négation d’une vérité absolue par l’homme contemporain et la conception dite moderne de la liberté constituent encore un défi. La proclamation par l’Église d’une vérité absolue et objective qui nous précède est devenue inaudible dans une culture où la subjectivité fait de l’homme la source de vérité. De même pour la liberté: l’homme moderne voit la liberté comme une absence d’entraves. Mais parfaitement assuré de sa «liberté de», l’homme moderne est dans l’ignorance du sens de cette liberté. La différence entre la «liberté de» et la «liberté pour» se fonde sur la transcende de Dieu.

Certains milieux intellectuels sont incapables de penser inclusivement l’homme et Dieu : si Dieu existe, l’homme n’a plus le droit de respirer. De fait, notre société  du mal à penser l’altérité de façon inclusive et non exclusive. Or, Irénée déjà disait que la gloire de Dieu est l’homme vivant.

Enfin, la dernier défi abordé par le Cardinal est celui de la rencontre entre les lois et les convictions privées: « un fossé grandit entre la manière dont l’État organise, par des lois, la vie publique et les convictions privées de ses citoyens, explique-t-il. La loi perd son caractère éducatif et devient, pour une large part, le plus grand commun diviseur, défini statistiquement à partir des dernières élections ou de la dernière enquête de l’opinion publique.» Lorsque les lois résultent d’une multitude d’intérêts individuels, elles sont sujettes au changement et donc à la prolifération. « Notre société devient une société de juges et d’avocats, par manque de consensus fondamental qui pourrait servir de solution.»


« Mais dire notre désaccord avec les lois n’est pas une solution, poursuit le Cardinal. Il faut présenter aux hommes le message de l’Évangile de manière fondamentalement humaine, sans aucune prétention d’imposer mais avec fermeté, en travaillant avec la force même de la semence évangélique : semez, dit Jésus, comme le paysan qui sème et puis va se coucher sans contrôler le lendemain matin si ça germe... sans oublier que le Christ n’a pas vu de son vivant le fruit de son travail.»


Le texte de la conférence est disponible sur le site de Grandes Conférences Liégeoises.

Elisa.

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